Un simple jet de bâtonnets pouvait sceller le sort d’un pharaon ou d’un enfant du Nil. Le Senet, ce jeu dont le plateau frisait la sacralité, a traversé les millénaires sans jamais perdre son éclat d’énigme. Sous le soleil assassin, entre deux rituels, la passion du Senet rassemblait souverains et anonymes, liés par le goût du défi et l’ombre de l’au-delà.
Ce n’est pas qu’un divertissement d’initiés : le Senet s’est invité jusque dans la mort, se glissant dans les tombes les plus prestigieuses. Sous ses règles feutrées, il a servi de théâtre à des rivalités, à des croyances intimes, à des espoirs de victoire sur la fatalité. Qui aurait soupçonné que trente cases alignées puissent abriter autant de rêves, de peurs et de secrets ensevelis ?
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Aux origines du Senet : plongée dans l’Égypte antique
Le Senet prend racine au cœur de l’Égypte antique, là où il s’impose comme le plus ancien jeu de société égyptien jamais mis au jour. Les premières preuves retrouvées par les archéologues se nichent sur des fresques funéraires, dans des tombes dont certaines remontent à plus de 2500 ans. Dès l’Ancien Empire, les murs des sépultures se parent de scènes de Senet, et le jeu poursuit sa route à travers les dynasties, gagnant en prestige sous le Nouvel Empire (1550-1070 av. J.-C.).
Le Senet ne se réservait pas aux palais. Certes, les plateaux les plus somptueux proviennent des tombes royales et aristocratiques : le Brooklyn Museum en expose aujourd’hui un exemplaire, extrait d’une sépulture de la vallée des Rois. Deux trésors font toujours vibrer les égyptologues : les jeux découverts auprès d’Amenhotep III et de Nefertari. Au Nouvel Empire, le Senet s’invite jusque dans l’art funéraire, compagnon du défunt pour sa traversée vers l’au-delà.
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- Origine : Égypte antique, attesté dès 2650 av. J.-C.
- Présence : tombes de pharaons et de nobles, art funéraire
- Exemplaires célèbres : tombe d’Amenhotep III, tombe de Nefertari, Brooklyn Museum
- Durée de vie : plus de 2500 ans d’existence
Les recherches de l’Université de Californie et d’autres institutions s’attachent à démonter l’évolution du Senet, de simple distraction à objet de méditation spirituelle. Le parcours du Senet, du salon des vivants aux chambres funéraires, révèle toute la richesse de l’histoire des jeux de l’Égypte antique.
Pourquoi le Senet fascinait-il pharaons et citoyens ?
L’Égypte ancienne, hiérarchisée à l’extrême, partage pourtant un terrain d’entente : le jeu. Dans les palais opulents comme dans les maisons modestes, le Senet rassemble toutes les générations. On retrouve sur les fresques la reine Néfertari, le regard fixé sur ses pions, tandis que des enfants apprennent à anticiper, et que les adultes s’affrontent avec malice et sérieux.
Mais le Senet ne se limite pas à faire passer le temps. Pour les pharaons, il symbolise la maîtrise du hasard et la faveur des dieux. S’afficher en joueur, c’est montrer sa capacité à naviguer les embûches du destin. Chez les citoyens, la partie de Senet marque un moment de détente, mais aussi de rivalité amicale. Le plateau devient alors l’arène où se forge l’adresse et la stratégie.
- Pharaons : prestige, stratégie, lien avec l’au-delà
- Société égyptienne : loisir partagé, transmission des valeurs
Ce qui séduit, c’est la polyvalence du Senet. Jeu d’habileté, outil pour apprendre, miroir des grandes idées collectives : chaque partie est un subtil mélange de chance et de réflexion. Les Égyptiens, hantés par la notion de destin, trouvent dans le Senet une mise en scène de leurs propres interrogations, spirituelles comme sociales.
Symboles, croyances et mystères autour du plus ancien jeu de société
Bien plus qu’un simple passe-temps, le Senet s’ancre profondément dans la spiritualité égyptienne. Dès le Nouvel Empire, le plateau devient le théâtre d’un voyage initiatique : jouer, c’est imiter le cheminement de l’âme à travers les épreuves de l’au-delà. Les pions ne sont plus de simples objets ; ils incarnent la traversée, la quête, la promesse d’une transformation.
Le plateau du Senet, 30 cases en trois rangées, regorge de symboles puissants. Certaines cases, appelées “maisons”, possèdent une valeur rituelle indéniable. Chaque étape jalonne le parcours du joueur, et par extension, celui de l’âme :
- La maison de la Vie (case 15) : renaissance et renouveau sur le chemin.
- La maison de la Joie (case 26) : une promesse de félicité retrouvée.
- La maison de l’Eau (case 27) : purification, illustrée par le signe de l’eau.
- La maison des trois Vérités (case 28) : trois oiseaux pour l’âme en quête de clarté.
- La maison de Re-Atoun (case 29) : symbole solaire, dernière étape avant la libération.
Le nom même du Senet, « passer », évoque le franchissement d’un seuil. Si le Senet veille sur les défunts d’Amenhotep III ou de Néfertari, ce n’est pas un hasard : il joue le rôle de passeur, guidant l’âme du défunt à travers les mondes. Un plateau, quelques pions, et c’est l’éternité qui se dessine, silencieuse, sous les doigts du joueur.
Comment jouer au Senet aujourd’hui : règles, matériel et conseils pratiques
Revivre une partie de Senet, voilà un défi qui titille l’imagination. Les textes antiques restent rares et lacunaires ; il faut donc recomposer les règles à partir de scènes peintes et d’indices disséminés. Heureusement, des versions modernes permettent aujourd’hui de s’initier à ce jeu ancestral, tout en respectant l’esprit des origines.
Le Senet se joue sur un plateau rectangulaire de 30 cases, réparties en trois rangées de dix. Chaque joueur dispose de cinq pions, distincts par leur couleur ou leur forme. Quatre bâtonnets plats, que l’on lance à chaque tour, remplacent les dés classiques et déterminent le nombre de cases à parcourir.
- Deux joueurs s’opposent : chacun aligne ses pions sur la première rangée du plateau.
- À chaque tour, lancez les bâtonnets : le nombre de faces marquées indique combien avancer.
- Progressez, bloquez, contournez les pions adverses. Certaines cases imposent des contraintes : la case de l’Eau (27) oblige à reculer, la maison de la Vie (15) protège le pion qui s’y arrête.
- Objectif : sortir tous ses pions du plateau, après avoir franchi les étapes symboliques avant son adversaire.
Le Senet rappelle le backgammon ou le tric-trac : anticipation, gestion du hasard, choix tactiques. Des éditeurs proposent aujourd’hui des plateaux fidèles ou revisités, avec livret explicatif pour varier les plaisirs. Adapter les règles, moduler la durée selon les joueurs : toutes les fantaisies sont permises pour redonner vie à ce jeu mythique.
Face à un plateau de Senet, on ne se contente pas de déplacer des pions. On rejoue, à chaque partie, la traversée des anciens, entre lumière et mystère. Qui sait, peut-être que le prochain coup vous ouvrira les portes d’un secret gardé depuis 5000 ans ?