Droits de la montée des marches : Qui peut monter les marches du succès ?

Groupe diversifié montant un escalier rouge devant un théâtre

Le tapis rouge n’est pas un terrain de jeu ouvert à tous. Derrière les apparences, la sélection s’opère à huis clos, verrouillée par des codes et des invitations qui ne laissent rien au hasard. Les listes, les accréditations et les statuts dessinent les frontières d’un univers où la notoriété, le rang professionnel ou le réseau tiennent lieu de sésame. Parfois, une exception bouscule l’ordre établi, mais le principe demeure : seuls quelques élus franchissent la barrière. L’organisation, très codifiée, suscite à chaque édition son lot de débats, posant la question : qui décide vraiment, et selon quels critères, de qui a droit à la lumière ?

La montée des marches : symbole universel ou simple rituel ?

Le faste du tapis rouge, la tension palpable sur les marches du palais des festivals : ces images, diffusées chaque année depuis 1955 lors du Festival de Cannes, ont forgé un mythe. L’espace de quelques jours, la Côte d’Azur se métamorphose, la ville explose, et la foule afflue. Le décor est planté : Cannes, d’ordinaire tranquille, devient le centre névralgique du luxe et du glamour.

Soixante mètres de tapis rouge, vingt-quatre marches à franchir. Ici, tout est pensé pour souligner la rareté de l’instant. L’accès ? Strictement réservé. Accréditation obligatoire, invitation en main, tenue irréprochable exigée. Ce cérémonial délibérément strict ne fait pas que préserver la tradition : il impose un respect quasi religieux du lieu et du moment. Monter les marches, c’est s’inscrire dans une lignée, rejoindre le cercle fermé des acteurs, réalisateurs, producteurs, membres du jury venus défendre leur film ou porter la voix d’une œuvre.

La Palme d’or, remise dans ce décor, parachève le symbole. Cannes ne distribue pas ses honneurs à la légère. Ce qui se joue là, c’est la consécration d’un talent, la reconnaissance d’un chemin parcouru, la validation d’une singularité. L’ascension n’est jamais gratuite : il faut avoir prouvé sa valeur, gagné le droit d’être vu, entendu, célébré.

Qui détient réellement le droit de gravir les marches du succès ?

La montée des marches ne s’improvise pas. Pour espérer fouler les 24 marches du palais sous les projecteurs, il faut montrer patte blanche : invitation officielle, identité vérifiée, tenue de soirée impeccable. Ce sont les noms connus, acteurs, réalisateurs, membres d’équipe, producteurs, personnalités du cinéma, mais aussi les partenaires, mécènes, décideurs accrédités qui peuvent prétendre à ce privilège.

Récemment, la notion de droit à la montée a connu un tournant. L’édition 2024 du festival a été marquée par l’équipe du film Un p’tit truc en plus, menée par Artus. Sofian Ribes, comédien en fauteuil, a été accompagné sur les marches, porté par Artus dans un geste fort, avec l’appui logistique du festival. Ce moment a mis en lumière les efforts à poursuivre pour que l’inclusion devienne une réalité. Fadila Khattabi, ministre déléguée, a d’ailleurs annoncé que les éditions à venir verront des accès facilités pour les personnes en situation de handicap, une décision saluée comme un signal d’ouverture dans la gestion des droits de la montée des marches.

Le règlement prévoit déjà des dispositifs adaptés, à condition que les équipes signalent leurs besoins en amont. Mais c’est toujours l’autorité du festival qui tranche, délivrant ou refusant les accès selon des critères souvent discutés. Garder la magie du rituel tout en ouvrant la porte à la diversité des talents, voilà le défi d’une institution qui évolue, pas à pas.

Entre reconnaissance sociale et quête personnelle, ce que révèle l’ascension

À Cannes, chaque montée des marches raconte bien plus qu’une réussite du moment. Elle éclaire la tension entre la reconnaissance publique et le cheminement intime. Pour les acteurs, réalisateurs ou jurés, George Miller, Vanessa Paradis, Arnaud Desplechin, pour ne citer qu’eux cette année,, chaque montée est double : elle valide le parcours professionnel, tout en résonnant avec une histoire individuelle.

Le cérémonial, réglé au millimètre, parle à l’industrie et au public. Monter, c’est recevoir l’aval de ses pairs, s’exposer, s’affirmer. Mais derrière les flashs et l’euphorie, il y a la part cachée : les doutes, les efforts, la persévérance. C’est là que la montée des marches se fait miroir du métier d’artiste, entre reconnaissance attendue et affirmation de soi.

Certains moments marquent durablement les mémoires. 1996 : Pascal Duquenne, acteur en situation de handicap, reçoit le prix d’interprétation pour Le huitième jour aux côtés de Daniel Auteuil. Plus récemment, l’équipe d’Un p’tit truc en plus a montré que la scène pouvait, et devait, s’ouvrir à ceux qu’on laisse trop souvent de côté. D’autres voix, comme celles d’Éric Toledano, Olivier Nakache ou la tribune portée par Léa Drucker et Alexandra Lamy sur le statut des intermittents du spectacle, continuent de rappeler l’urgence de rendre le succès accessible à tous les talents.

Pour chaque invité, la montée des marches reste un instant suspendu, où se mêlent passion, constance et doutes. Au-delà du spectacle, c’est le métier d’artiste, dans sa vérité la plus nue, qui se dévoile.

Personne déterminée montant un escalier moderne en entreprise

Explorations spirituelles : quand la montée des marches devient un chemin intérieur

Derrière la façade spectaculaire du festival de Cannes, la montée des marches prend parfois une dimension insoupçonnée. Monter les vingt-quatre marches, ce n’est pas seulement s’exposer à la reconnaissance collective. Pour certains, le rituel devient un passage, une manière de faire le point sur le chemin parcouru, les obstacles traversés, les doutes surmontés.

Les artistes en témoignent : la montée, c’est aussi un moment à soi. L’attention du public, la lumière sur le tapis rouge, le silence juste avant d’entrer dans la salle, tout pousse à l’introspection. Pour des comédiens comme Sofian Ribes, accompagné par Artus lors de la présentation d’Un p’tit truc en plus, chaque marche franchie est une victoire sur les limites imposées, une affirmation de leur place dans la grande famille du cinéma.

Le parallèle s’étend au domaine de la fiction. Dans l’univers de Zora, Mipha, figure tutélaire, affronte les regards, guide et inspire. Link, en quête de l’emblème de Ruta dans les sanctuaires Kio’Dafuna, Sata’Kada et Mau’Eruya, vit chaque épreuve comme un pas vers une meilleure compréhension de lui-même. Que ce soit sur scène ou dans l’imaginaire, chaque ascension révèle moins une conquête visible qu’une mue intérieure, un progrès qui n’appartient qu’à celui ou celle qui accepte de gravir les marches.

Au fond, monter les marches, c’est accepter le vertige et la lumière. C’est s’exposer tout en se retrouvant. Laisser la foule derrière soi, ne serait-ce qu’un instant, et avancer vers ce qui compte vraiment.

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