Les adoptions extra-familiales ont diminué de 65 % depuis les années 1990 en Suisse. Sur le terrain, les opportunités sont de plus en plus rares pour les futurs adoptants.
C’est une véritable chute libre. En excluant les adoptions par un beau-père ou une belle-mère, 217 enfants ont été accueillis par des couples mariés en 2013 et 16 par des personnes seules. Ces chiffres s’élevaient respectivement à 684 et 57 en 1980 (selon l’Office fédéral de la statistique OFS). La tendance n’est pas propre à la Suisse mais se retrouve dans tous les pays occidentaux : en 2013, il y a eu trois fois moins d’adoptions internationales dans le monde qu’il y a dix ans.
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Ce n’est pas la demande des demandeurs d’adoption qui a diminué, mais plutôt l’ « offre » de mineurs. Parce que certains pays, qui ont autrefois placé de nombreux enfants dans des familles internationales, ont changé leurs politiques au fil du temps. Le contrôle des naissances s’y est amélioré et en même temps une classe moyenne a émergé. Cela permet à ces États d’accorder désormais la priorité aux adoptions nationales, conformément à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, qui est actuellement ratifiée par plus de 90 États.
Législation suisse restrictive
En Suisse, les adoptions nationales ne représentent qu’une trentaine de cas par an. Cela oblige la grande majorité des candidats adoptifs à se tourner à nouveau vers l’international. Mais certaines personnes abandonnent parfois cette solution, lorsqu’elles se rendent compte des différents écueils qui vont marquer leur chemin, explique Mireille Chervaz Dramé, responsable du service d’autorisation et de surveillance des lieux de placement à l’Office de l’enfance et de la jeunesse du canton de Genève. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : « Sur 60 cas soumis l’année dernière à Genève, seuls 15 enfants ont été adoptés ».
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Et ce sont généralement les plus vieux candidats adoptifs qui éprouvent les plus grandes difficultés. « La plupart des parents qui nous ont approchés ont d’abord eu recours à la médecine pour surmonter leur infertilité. problèmes », explique Nicole Binggeli, présidente de l’association Adopt-Nous à Neuchâtel et Fribourg. Lorsque leur dossier d’adoption est déposé dans un pays, ils approchent souvent de la quarantaine ! »
Et la législation suisse, l’une des plus strictes d’Europe, contribue également à cette situation : les futurs adoptants doivent avoir au moins 35 ans et être mariés depuis au moins cinq ans. Dans le cadre d’une adaptation du Code civil, le Conseil fédéral propose actuellement d’abaisser l’âge minimum à 28 ans et la durée de leur relation à trois ans. « Ce changement est le bienvenu », déclare Elisabeth Assal-Bouchardy, directrice d’Espace A à Genève. Certains pays refusent de donner des bébés à des personnes de plus de 40 ans. Mais il arrive que certains candidats dépassent cette limite d’âge pendant les cinq ans qu’il faut, en moyenne, pour adopter un enfant ! »
Il n’attend rien
Pour augmenter les chances de voir leur projet se concrétiser, les futurs parents doivent revoir leurs exigences. Vous pouvez attendre très longtemps un enfant qui n’existe pas. Un couple a attendu sept ans sur un dossier déposé en Colombie, sans que leur demande n’aboutisse jamais ! Parce que le pays est désormais célèbre pour avoir confié très peu d’enfants à l’adoption internationale. » Parfois, les projets doivent être modifiés en cours de route pour garantir leur succès.
Peu de personnes sont prêtes à accueillir un frère ou une sœur ou un enfant handicapé, explique Ricardo Graells de l’association Adopte.ch, qui augmente considérablement les chances de ceux qui sont prêts à accueillir ces catégories d’enfants… Mais il s’agit d’un autre projet, qui demande donc beaucoup de réflexion. »
La solution pour les familles d’accueil
L’enregistrement en tant que famille d’accueil s’avère parfois la solution ultime pour les personnes ayant besoin d’enfants. « C’est toujours une sorte de chagrin pour ceux qui ont initialement voulu adopter un enfant », admet Nicole Binggeli. Différence principale avec adoption traditionnelle :
Les parents biologiques restent physiquement présents dans la vie de l’enfant. »
Le grand avantage est que les temps d’attente sont beaucoup plus courts… En Suisse romande, nous recherchons actuellement de nouvelles familles d’accueil.
« Nous n’y croyions plus »
« Chaque fois que nous appelions, on nous disait que notre fichier était le premier de la pile. Cependant, les six mois qui ont suivi, nous n’avions toujours aucune nouvelle… » Il a fallu au total cinq ans à Fabienne et Daniel Marthe-Christan de Villars-sur-Glâne (FR) pour recevoir, en 2013, l’appel téléphonique tant attendu. En l’espace de deux semaines, le couple se rend ensuite dans un orphelinat en Thaïlande, où une petite fille de 2 ans et demi les attend, qu’ils décideront d’appeler Julie
« À certains moments, nous n’y croyions plus », se souvient Fabienne. Nous ne voulions pas nous réjouir tant que nous n’avions pas de garantie. » En particulier, les futurs parents renoncent déjà à aménager la chambre de l’enfant. « Nous avions peur que les émeutes de Bangkok ralentissent encore le processus ou la Thaïlande fermerait ses frontières à l’adoption. »
Une fois sur place, tout se passe de manière très efficace et professionnelle. « C’est l’une des raisons qui nous ont poussés à choisir la Thaïlande. Nous savions que l’organisation était parfaite et que nous prenions très bien soin des enfants des orphelinats. »
Après dix jours, la nouvelle petite famille est déjà en possession de tous les permis nécessaires pour quitter le pays. Cela ne signifie pas que tout est réglé du côté suisse… Après deux ans et demi passés sur le territoire suisse, Julie n’est toujours pas en possession du passeport rouge avec une croix blanche, mais seulement d’un permis de séjour. « Elle a commencé l’école au début de l’année scolaire, toujours inscrite sous son nom officiel thaïlandais… L’administration fonctionne très lentement ici aussi ! »
Y compris les trois ans de MAP (procréation médicalement assistée) et les douze mois nécessaires pour établir le dossier d’adoption en Suisse, il a fallu au total dix ans aux deux Fribourgeois pour devenir parents. Fabienne a aujourd’hui 46 ans, Daniel 52 ans. Si le couple a d’abord chéri l’espoir d’adopter un deuxième enfant, il préfère aujourd’hui y renoncer. « Selon la nouvelle loi suisse, les parents ne devraient pas avoir plus de quarante-cinq ans de différence d’âge avec l’enfant adopté. Nous devrions donc accueillir un enfant de plus de 7 ans aujourd’hui… Cela pourrait être un problème puisqu’il serait l’aîné de Julie. »
Peu importe, aujourd’hui, la petite famille profite pleinement de son bonheur. Et encourage les futurs parents adoptifs à se lancer dans la même aventure. « Il est vrai que de plus en plus de pays se ferment à l’adoption internationale. Mais il faut garder espoir. Et faites preuve d’une immense patience ! »
« Nous étions impatients de commencer notre nouvelle vie en trio »
Stéphanie et Vincent Ducret sont allés à la recherche de leur petit Tim en Thaïlande, un pays pour ce qui leur avait valu beaucoup d’affection.
Dix mois à peine depuis que le petit Tim, 4 ans, a rejoint la famille Ducret à Bevaix (NE). L’apothéose d’un long parcours qui a duré au total quinze ans. Car bien avant d’entreprendre les démarches d’adoption, Stéphanie et Vincent ont d’abord eu recours à différentes solutions médicales. « Nous attendions un coup de main de Dame Nature », explique la mère.
Au fur et à mesure que les échecs progressent, la solution de l’adoption est esquissée petit à petit dans leur esprit. « Il est impossible de se battre sur deux niveaux en parallèle. Nous avons donc préféré attendre la fin des PMA pour nous consacrer à 100% à ce projet. » En 2010, le couple a donc pris contact avec les services cantonaux neuchâtelois. Et apprends que la loi suisse les oblige à se marier s’ils souhaitent faire une demande d’adoption ensemble. « Nous nous sommes unis civilement en avril 2011. Un événement que nous avons ensuite célébré avec une fête en Thaïlande. »
Une destination qui n’a pas été choisie Aléatoire… Puisque le couple avait déjà pris de l’affection pour le pays. « Il était évident pour nous d’y déposer notre dossier d’adoption », explique Stéphanie. Avec l’aide d’un intermédiaire agréé par les autorités suisses, le couple est ensuite mis en contact avec l’orphelinat de Pattaya. Ils ont commencé par me demander quel âge j’avais. J’avais 41 ans, mon mari 45 ans… Je pensais que c’était déjà fini ! »
Mais l’affaire est bel et bien acceptée. Et trois ans et demi plus tard, l’orphelinat leur apprend qu’un petit garçon est prêt à être accueilli. « Au bout d’une semaine, nous avions terminé toutes les démarches administratives et nous pouvions déjà rentrer en Suisse. Nous étions impatients de commencer notre nouvelle vie avec trois personnes à la maison. »
Tim s’est rapidement adapté à sa nouvelle maison. « Nous avons beaucoup de chance », admet la mère. Après cette longue attente, nous profitons pleinement de notre fils. Tout en étant conscient qu’en raison de sa carrière, de son abandon et de ses dix-huit mois passés dans un orphelinat, nous devons rester attentif à son développement. »
« Il est difficile de rester les bras croisés »
Youssef et Raquell Kamri ont déposé leur dossier et attendent une réponse.
Il a fallu près de trois ans pour que tous les feux passent au vert pour Youssef et Raquell Kamri. Le 20 décembre, le couple originaire du Locle (NE) a pu déposer sa demande d’adoption en République dominicaine. Et aujourd’hui, ils attendent… Une période qui, selon l’expérience des autres couples, devrait s’étaler sur environ deux ans. « Lorsque nous étions dans le processus, nous avons senti chaque jour que nous étions en pleine action, déjà proches de l’objectif », explique Youssef. Aujourd’hui, il est difficile de rester les bras croisés. »
Comme dans presque tous les cas, le chemin vers l’adoption n’a été entrepris qu’après de longues années passées dans les PMA. Un parcours difficile, qui donnera lieu à plusieurs fausses couches. « Il m’a fallu un certain temps pour comprendre à quel point ces étapes ont été douloureuses pour ma femme. Un père ne développe de l’affection pour son bébé que lorsqu’il peut le porter dans ses bras. Alors qu’avec la mère, ce lien se crée beaucoup plus rapidement… »
Durant cette période, Youssef se sent déjà prêt à se lancer dans un projet d’adoption. Il faudra un peu plus de temps à sa femme pour emboîter le pas. Si les Kamri ont opté pour la République dominicaine, c’est parce que le pays traite directement avec les autorités suisses, sans passer par des intermédiaires. Le revers de la médaille : les couples adoptifs doivent rester dans le pays pendant quelques mois avant de pouvoir revenir avec leur nouvel enfant. Heureusement, nous travaillons tous les deux dans l’horlogerie, où la convention collective nous donne dix semaines de vacances. Dans les autres secteurs, ces vacances ne durent que trois jours ! »
Le reste du temps, vous devrez compter sur des congés sans solde. « Cela coûte cher de devoir abandonner son travail pour vivre ailleurs ! Nous profitons de notre délai d’attente pour économiser… Mais tous les couples ne peuvent pas se le permettre. Pourtant, l’adoption doit rester accessible à toutes les catégories de personnes. »
Alors qu’avec la mère, ce lien se crée beaucoup plus rapidement… »
Durant cette période, Youssef se sent déjà prêt à se lancer dans un projet d’adoption. Il faudra un peu plus de temps à sa femme pour emboîter le pas. Si les Kamri ont opté pour la République dominicaine, c’est parce que le pays traite directement avec les autorités suisses, sans passer par des intermédiaires. Le revers de la médaille : les couples adoptifs doivent rester dans le pays pendant quelques mois avant de pouvoir revenir avec leur nouvel enfant. Heureusement, nous travaillons tous les deux dans l’horlogerie, où la convention collective nous donne dix semaines de vacances. Dans les autres secteurs, ces vacances ne durent que trois jours ! »
Le reste du temps, vous devrez compter sur des congés sans solde. « Cela coûte cher de devoir abandonner son travail pour vivre ailleurs ! Nous profitons de notre délai d’attente pour économiser… Mais tous les couples ne peuvent pas se le permettre. Pourtant, l’adoption doit rester accessible à toutes les catégories de personnes. »